Lecture publique ce 4 mai 2023 du nouveau projet de création de la compagnie comorienne de théâtre BillKiss* I O Mcezo*. Je suis blanc et je vous merde – son titre – s’invite dans les coulisses de la Françafrique.
Une histoire d’enfumage habilement menée par les services secrets français dans la capitale comorienne. Une embrouille de haute voltige, pour dire les choses. Gaucel, un blanc en vadrouille de kwasa, se fait embarquer un soir à la Rose noire, une boîte de nuit à Moroni. La police le suspecte du pire. Elle pense qu’il est l’espion qui ne dit pas encore son nom. Joke ou pas joke ?
Au commissariat central, on le cuisine, durant des heures. L’inspecteur Odra, qui fait du zèle, s’imagine traquer les fantômes ayant bercé son enfance coloniale. Son père, qui a fait la guerre d’Algérie, n’en est pas revenu, ne l’a pas vu grandir. Odra en a gardé l’amertume de ceux qui n’ont reçu qu’une moitié d’histoire pour seul viatique de survie. La France coloniale n’est pas un cadeau pour lui.
Dans une cellule, Nkaro, un homme, rescapé de l’enfer des mercenaires de Denard, tisse une parole à énigmes, dont le fin mot noie la métaphore du blanc et du noir dans le gris de l’aube naissante. Plus tard arrivera le commissaire Tshapa, une caricature de la marionnette à double jeu. Un homme qui a vendu son âme à l’adversité, ne sachant plus pour qui il œuvre, désormais.





Apparaît Disco, ensuite. Djamila Disco. Une femme au destin trouble. Née sur le Continent, quelque part en Afrique de l’Ouest, elle a débarqué à Moroni, à la recherche d’un père improbable que le destin a fait disparaître. Devenue prostituée pour s’en sortir, elle tourne le dos aux promesses du commissaire, son protecteur, pour tenter sa chance avec Gaucel, le blanc incarcéré.
Enfin, se découvre la main ferme de Marie-Madeleine, première conseillère à l’ambassade de France, place de Strasbourg. Une femme, qui, dans l’arrière-cour, sert à faire et défaire les nœuds d’une diplomatie au parfum de scandale bien trempé dans le souffre. Le texte fait tonner les démons de la Françafrique dans une métaphore de prison archipélique à ciel ouvert.
Les Comores sont l’un des secrets les mieux gardés de la République française sous ces tropiques indianocéanes. Avec des enjeux qui n’en finissent pas de surprendre. De Paris à « Mayotte la française », en passant par la partie prétendûment indépendante de l’archipel, les enjeux restent militaires, économiques, politiques. Un vrai drame dans un feuilleton néocolonial qui perdure…
En résidence à l’Auditorium Sophie Dessus, du 24 avril au 5 mai dernier, la compagnie a quelque peu éprouvé le texte, après en avoir lu des fragments, l’an dernier, aux Zébrures du Printemps, à Limoges. La distribution est toujours en cours, mais sur la scène, jeudi 4 mai, on a pu écouter les voix de Yaya Mbilé Bitang, de Philippe Richard, de Dédé André Duguet, de Fargass Assande et de Soeuf Elbadawi.






A la mise en scène, Soeuf Elbadawi. A la lumière, Mathieu Bassahon. A la scéno, Margot Clavières. Une équipe, qui avait déjà œuvré sur le précédent spectacle de la compagnie BillKiss* I O Mcezo*, dont on a apprécié l’Obsession remix, présenté, l’an dernier au Théâtre de l’Echangeur à Bagnolet, après une pause (re)création en Corrèze. BillKiss* I O Mcezo* reçoit le soutien de la DRAC Ile de France pour ce projet, comme pour le précédent.
Je suis blanc et je vous merde sera au programme du festival les Zébrures d’Automne à Limoges – co producteur du projet – en septembre 2024. Soeuf Elbadawi et sa compagnie bénéficient d’un compagnonnage de la ville d’Uzerche (trois ans), durant lequel il essaie de développer un travail de territoire, en collaborant notamment avec des habitants et des associations de la région. Il reçoit pour cela le soutien de la DRAC Nouvelle-Aquitaine.
L’auteur et dramaturge comorien œuvre à Uzerche depuis un certain nombre d’années déjà. L’an dernier, on a pu lire son histoire du pays de Gaucelm (Bilk & Soul), co écrit avec des scolaires du cru. Du collège Gaucelm Faidit. On se souvient également du shungu (performance citoyenne) organisé en juillet 2022 autour de la colère du monde à l’ancienne Papeterie.