Jeudi 11 mai, le combo de musique comorienne, mené par Soeuf Elbadawi, était en Corrèze. Dans la cité de Gaucelm Faidit, l’ancien troubadour. Une soirée pleine de surprises, avec des invités prestigieux. Mangane Ousseynou, qui a joué de son balafon magique sur le titre Ngayo ha ngayo, était là pour sceller une rencontre avec le groupe en live. Les amis de Las Chambas Finas Daus Condats étaient également de la partie.
Un bon spectacle, scénographié par Margot Clavières, éclairé par Mathieu Bassahon – des complices de toujours, pour BillKiss* I O Mcezo*, la compagnie de Soeuf Elbadawi – venus donner le coup de main, ce soir-là, et porté au son par Cyril Poirier, autre complice de Mwezi WaQ. « Cela nous fait plaisir de voir que nos histoires peuvent captiver de ce côté-ci de la planète. Nous proposions un voyage en archipel. Une traversée de l’imaginaire des îles Comores en musique. Mais vous aurez remarqué qu’il n’y avait qu’un seul Comorien sur la scène, qui, pour raconter son histoire, mise sur une fratrie élargie. Les interprètes de Mwezi WaQ. viennent de partout et rendent compte de la complexité de la relation en ce monde ».




Mwezi WaQ. sur la scène de l’Auditorium Sophie Dessus.
Deux heures et demie de show, pour un concert initialement prévu pour durer une heure et dix minutes. Un tour rapide dans les archives de Mwezi WaQ. Avec Dantzi et Djando, sans oublier Undroni Blues et Mkolo. Un autre tour dans le répertoire le plus récent, celui du Blues des sourds-muets (Buda), le deuxième album sorti en décembre, et dans lequel on trouve notamment les inédits de Mavuza Landa et d’Ankipwa. Le premier titre parle de la dictature du porc-épic, qui tue toute espérance en l’homme, quant au second, il discourt sur les mensonges des politiques, qui se gaussent du peuple, pour mieux se maintenir au pouvoir.
Mwezi WaQ. chante aussi la tragédie d’une histoire coloniale que l’on pensait révolue, mais qui continue encore à hanter les âmes. Mkolo, Maji ya limbi mtsanga, Kondro sont des titres ramenant à la situation actuelle de l’archipel des Comores, où l’Etat français orchestre une campagne de déportation massive de la population – appelée Uwambushu – depuis Mayotte. Une opération que certains médias français (Médiapart, Le Canard enchaîné) ont su, très récemment, décortiquer. Mwezi WaQ. a aussi promené son utopie des grands jours et ses rêves d’espérance sur le plateau de l’Auditorium Sophie Dessus avec des pas de danses enjaillées.




Mwezi WaQ. et ses guest: Jean-Claude Dezes des Las Chambas Finas Daus Condats et Soeuf Elbadawi. Les cinq interprètes des Las Chambas… à la vielle et à l’accordéon, Mangane Ousseynou à la guitare et au balafon.
Tout en scandant la nostalgie des années d’indépendance avec une reprise twarab de l’ASMUMO (Experimental blues of Moroni), Soeuf Elbadawi a convié les Corréziens de Las Chambas… pour faire sonner le patrimoine et ses instruments d’époque, vielle et accordéon. Une occasion de mailler plus avec un territoire, qui l’accueille en résidence depuis plus d’un an. On se souvient du shungu – une performance citoyenne – concocté en juillet 2022 par sa compagnie, au bord de la Vézère avec le soutien des habitants, de la mairie d’Uzerche et de la DRAC Nouvelle-Aquitaine. On sait que Soeuf y travaille par ailleurs sur sa prochaine création théâtrale – Je suis blanc et je vous merde – dont la première est prévue à l’Auditorium Sophie Dessus en septembre 2024, pour les Zébrures d’Automne.
« On ne peut que remercier cette commune et cette région pour son ouverture aux imaginaires décalés. On y trafique des histoires de franche camaraderie, au nom du partage. On y réfléchit à une autre manière de questionner cette « colonialité », qui nous relie tous, malgré nous, et nous fonde un commun. On aurait tendance à vouloir parler de ce qui nous distingue, alors qu’au fond nous retrouvons une humanité qui rassure en ce pays. En ces temps troubles, où le repli semble parfois l’emporter sur la solidarité, nous apprécions la main tendue par ces amitiés de Corrèze, avec qui nous multiplions les prétextes pour pouvoir se rencontrer et échanger. Avec les Las Chambas et Fleur, comédien-metteur en scène, on prévoit, par exemple, d’organiser une tablée avec des contes, d’ici la rentrée. On compte y mêler l’occitan au français, en y ajoutant un peu de shikomori, ma langue, et un peu de cuisine à table, pour être sûr de mieux digérer nos folies » explique Soeuf Elbadawi.

Une vue du public ce jeudi 11 mai.
Lors des répétitions avant le concert à l’auditorium Sophie Dessus….